Golden Silk Pheach

Teinture naturelle

KER MER rencontre Madame Oum Sophea Pheach, la fondatrice de Golden Silk Pheach, soie tissée à la main à partir de vers à soie dorés

Si le stand de Golden Silk Pheach à La Maison d’Exceptions de Première Vision est ponctué de panneaux indiquant «Veuillez ne pas touchez», c’est que l’on est constamment pris par la tentation de caresser les magnifiques pièces d’une incroyable luminosité.

L’accueil chaleureux de Mme Oum Sophea Pheach tranche avec les messages d’interdiction des panneaux. Anciennement directrice du Centre national de la soie cambodgienne, Mme Oum Pheach a fondé Golden Silk Pheach en 2002 dans la région de Siem Reap au Cambodge, près des temples d’Angkor Wat afin d’œuvrer à la renaissance et la préservation du savoir-faire ancestral khmer de la soie dorée tissée à la main. Elle œuvre également à fournir une formation artistique aux jeunes cambodgiens affectés par la guerre.

Fut une époque, où l’on comptait environ 10 000 tisserands de soie qualifiés au Cambodge. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 200.

Chaque pièce de soie est produite à partir d’un fil issu du ver à soie jaune, une espèce originaire de l’Asie du Sud-Est, en particulier du nord-est du Cambodge. Cette espèce rare et fragile donne 15 fois moins de soie que son homologue blanc, et nécessite des soins quotidiens; alimentation, nettoyage et manipulation. Les vers à soie jaunes se nourrissent exclusivement de feuilles de mûriers fraîches, lavées et rafraîchies, qui sont réapprovisionnées trois fois par jour.

Ce n’est pas une coïncidence si le centre se situe au cœur d’une forêt de mûriers. Leur espace de reproduction est nettoyé quotidiennement. Leur santé est surveillée, le contact avec des engrais chimiques ou des insecticides leur serait fatal. Le fil de soie obtenu est si fin qu’il ne peut être filé et tordu qu’à la main.

« Les soins et la patience sont essentiels lorsqu’il s’agit de démêler les cocons pour obtenir la soie. Nous devons enlever la couche extérieure à la main afin d’accéder aux couches souples et malléables en dessous », déclare Mme Oum Pheach.

Ensuite, les brins sont noués à la main dans des motifs 3D avant d’être teints en utilisant l’indigo naturel, l’écorce et les feuilles du litchi, l’écorce de Prohut, et Lak œufs d’insectes, tous provenant de la région autour des Temples d’Angkor Wat. L’intensité de l’indigo varie selon l’emplacement exact et le sol de la plante en croissance.

Le processus est naturel et écologique de A à Z. Les colorants sont fixés à l’aide de jus de chaux.

Le centre produit sa propre électricité, son gaz et sa ventilation, ce qui est essentiel puisque la température peut atteindre 36°à 40° à l’ombre en février.
« Nous faisons naitre de la beauté à partir de la souffrance, » dit-elle avec un sourire.

Même la boîte de présentation est faite à partir de douilles de riz !

Seulement 300 grammes de soie peuvent être teints en même temps pour assurer une bonne imprégnation de la couleur. Les tons qui en résultent sont délicats et subtiles, rehaussés du lustre nacré propre à cette soie naturellement dorée et tissées à la main. Une soie au touché doux et velouté.

La soie est ensuite tissée, selon l’une des deux techniques traditionnelles khmers, inspirées par un tissu ancien dans le Palais Royal de Phnom Penh. Traditionnellement, la longueur des détails sur l’ourlet est en rapport avec le statut social de la personne qui porte le vêtement.

Il faut dix ans pour former un tisserand à soie. Et 17 ans pour devenir un artisan confirmé.

Les clients qui commandent une pièce personnalisée doivent être patients ; il faut du temps pour réaliser des pièces d’un tel raffinement. La fabrication de certaines pièces personnalisées peuvent prendre jusqu’à deux ans et demi à compléter. « Le motif est retracé sur le papier, puis la soie est nouée en suivant le modèle, millimètre par millimètre, ligne par ligne. L’avancement de la soie au rythme d’un centimètre par jour sont très intenses en main-d’œuvre, » déclare Mme Oum Pheach. « Chaque pièce est tout à fait unique. On peut mettre une année entière pour produire un mètre de tissu. C’est la première fois de notre histoire qu’un produit de luxe est fabriqué à la main au Cambodge. »

Le Musée de Rautenstrauch-Joest de Cologne vient d’acheter un kakemono pour orner son entrée. Angela Missoni lui a demandé de participer à un prix Missoni.

Quand on demande à Mme Oum Sophea Pheach comment on nettoie un vêtement de cette délicatesse, elle répond : « Tout simplement avec de l’eau froide avec un peu de shampooing !»

Jean