Hyacinthe Ouattara

Art & Engagement

Hyacinthe Ouattara, retenez bien ce nom. Son œuvre nous vient de loin, comme lui-même, elle a dû traverser les frontières et, partant du Burkina Faso natal, parvenir jusqu’à nous sans détour.

Sans détour certes, mais non pas sans détournement. Car son art est directement ancré dans nos ressentis, nos mémoires et nos sentiments. Il fait appel à notre être le plus profond, caché sous les méandres de nos personnalités. Qui sommes-nous et que voyons-nous réellement?

Ici point besoin d’être raisonnable, au contraire, pour apprécier ce travail, il faut plutôt lâcher les retenues et se laisser emporter par le flot des images, des mouvements, des lignes et des couleurs pour entendre la voix qui nous revient presque primitive de nos propres origines.

L’art sous ses mains devient un jeu, heureux ou malheureux il reste toujours un jeu qui joue avec notre Je, et son regard malicieux trahit sa générosité et son plaisir de nous avoir fait un tour à sa façon.

Spontanée, colorée, l’écriture est grouillante, elle semble presque impatiente de nous livrer son histoire.

Dans ces contes et légendes que sont chacune de ses pièces, il y est question de présences, toujours évoquées, jamais affirmées, fantomatiques, angoissantes ou bienveillantes elles nous interpellent, nous interrogent, nous imposent un silence interrogatif…

Toiles encollées et colorées, superpositions de traits, de couleurs et de matières dessinent sous nos yeux la cartographie d’un nouveau monde. N’y cherchez pas le nord ou le sud, ici tout est émergent dans un chaos qui n’est qu’apparence.

On y devine le grouillement de notre humanité, des visages surgissant au hasard des accumulations, l’anatomie purement organique de pièces de tissus liées entre elles pour reconstituer une parcelle de notre propre histoire.

« France au revoir » le titre d’une de ses œuvres, accumulation de vêtements venant de France et arrivant en Afrique pour une seconde vie : ils sont ici même capturés, enrichies et transformés pour devenir une œuvre à part entière, singulière et nous renvoyant notre propre reflet.

Il s’agit bien d’identités, de mémoires, de social aussi, dans cette approche. Nul hasard dans le choix des thèmes abordés et toujours le sentiment d’être dans le juste, suffisant à lui-même pour ne garder que l’essentiel de chaque chose et de chaque être.

« France au revoir » est repartie en Europe à Berlin, enrichir les collections d’art contemporain d’une fondation.

Hyacinthe Ouattara y voit lui un retour à l’envoyeur, c’est bien plus en fait, c’est un cadeau qu’il nous fait, un présent de nous-même détourné par son intervention.

Il a poursuivi son travail en France, à Villejuif, près de Paris, toujours à la recherche de cet indicible message que portent toutes ces choses qui nous sont quotidiennes et que nous ne voyons plus.

Son œuvre pourrait être une simple accumulation de tissus entremêlés, mais il s’agit en fait d’une organisation qui ne doit rien au hasard.

Chaque pièce a son histoire, participe à un tout, vient compléter la palette sans cesse croissante de tous les possibles.

Mais que cherche-t-il vraiment à nous montrer, à nous dire ?

Peut-être que nous n’avons pas totalement perdu cette parcelle d’enfance qui sommeille en nous, et qu’il vient réveiller soudainement au détour d’une étoffe.

Peut-être aussi qu’il nous convie à tisser avec lui tous les fils ténus de nos mémoires entremêlées pour, en finalité, nous révéler notre part d’humanité.

Philippe

GALERIE EN ATELIER AROA
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